Né en 1926 à Quimper (France)
Mort en 2022 à Paris (France)
Arrivée à un certain point de notoriété, voire de reconnaissance, une œuvre ne peut qu’être offerte à l’exégèse. Finie la linéarité du récit. Finie l’unicité chronologique. Livrer une œuvre à l’interprétation, c’est dessiner des perspectives nouvelles pour la comprendre. C’est la rejouer sans cesse. C’est en souligner la complexité. C’est montrer que l’un est multiple, contradictoire et que c’est au titre de la complexité et des dilemmes qu’elle affronte, qu’elle affirme sa richesse. On a longtemps dit et cru que l’œuvre de Jacques Villeglé était une et indivisible. À la différence de celle de l’ami Raymond Hains, elle se serait affirmée très tôt comme un bloc homogène, moins fragmenté, moins éclaté. Plus, elle lui aurait opposé une solution de continuité quand celle de Hains n’aurait jamais procédé que de ruptures et se serait constituée tel un archipel ou une constellation, un rébus. La récente rétrospective du Centre Pompidou a clairement mis en évidence une toute autre vérité. L’œuvre de Villeglé s’y révélait dans sa diversité, offrait une multiplicité de pistes et de recherches. Les affiches lacérées, certes, mais les Alphabets, le film, l’écriture voire les premières sculptures : Villeglé y apparait non pas comme l’homme d’un seul geste réitéré, répété au fil du temps mais aussi comme un chercheur, un descripteur, un « recycleur » pour paraphraser Pierre Restany. « Un recycleur du travail des autres, un recycleur du réel urbain, industriel, publicitaire », dans lequel Restany voit l’essence du mouvement qu’il parrainait en 1960, mais aussi un recycleur de lui-même. Là est sans doute l’un des points spécifiques de l’art de Villeglé : devenir le recycleur de lui-même, appréhender son propre travail comme une matière à pétrir sans cesse, à reformer et reformuler.
Extrait du texte « La Peinture dans la Non Peinture : le dilemme de Jacques Villeglé », Bernard Blistène, in La Peinture dans la Non Peinture, cat. d’exposition, éd. Galerie GP & N Vallois, Paris (2010)