Keith Tyson

10.06.2011
Keith Tyson — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Portrait de Keith Tyson

En quelle matière sont réalisées vos sculptures ?

Cette question est importante. Mes sculptures sont réalisées en résine polycarbonate – constituée de carbone – et leur patine est au graphite. Le carbone est pour moi la forme de vie la plus fondamentale. La plupart des formes de vies organiques sont constituées de carbone et, en tant qu’artiste, la façon la plus simple de dessiner est d’utiliser un crayon et du papier. Or, un crayon de papier contient du graphite – c’est-à-dire du carbone – et le papier est fait à partir de bois, contenant également du carbone.

Quels sont les liens entre toutes ces formes ? Par exemple, qu’est ce qui lie le Cow-boy et les personnages féminins?

Ce sont tous des « Grotesques Contemporains » ; chaque personnage n’a pas conscience d’être devenu ridicule, en poursuivant la danse de façon effrénée, ou le bodybuilding, ou en cherchant à surpasser la nature … En d’autres termes, ils ont tous une identité proclamant leur différence, alors qu’en réalité, ils oublient leur similarité essentielle : le carbone. Ces personnages sont tous constitués de la même énergie. L’être vivant se sent essentiellement « isolé de la nature » et ces sculptures montrent comment ces personnages prennent ces formes-là.

Qu’entendez-vous par « isolé de la nature » ?

On oppose généralement les choses « artificielles » aux choses « naturelles ». Par exemple, un gratte-ciel est perçu comme artificiel, tandis qu’une termitière est considérée comme naturelle, mais, en fait, les deux sont des conséquences de la nature. Nous construisons des choses et nous faisons partie de la nature, nous n’en sommes pas séparés, c’est l’ego qui nous sépare. C’est parce que l’ego est séparé de la nature qu’il propose de nombreuses solutions sur la façon dont il doit mener sa propre vie…et ces sculptures sont une version contemporaine de cela.

En anglais, le mot « Grotesque » est plus proche de « gargouille », ou de « monstre »…ces sculptures sont-elles sensées être monstrueuse ou être hideuses ?

Ce sont les manifestations apparentes d’un état psychologique. Quand les gargouilles étaient à l’extérieur des églises elles devaient éloigner les démons, ou ce que nous appelions des « démons », en fait des états intérieurs que nous avons tous en tant qu’êtres humains. Tout mon travail tend vers l’unité, vers une dynamique interdépendante, comme diraient les bouddhistes. Toute chose émerge de manière interdépendante, tout est connecté à tout. Dans le monde occidental, nous séparons tout et cherchons à tout contrôler et en réalité ces sculptures sont une manière de réaliser des gargouilles pour le monde, de mettre les choses à l’extérieur d’une certaine façon.

Ces sculptures sont réalisées avec une grande dextérité. Ce savoir faire est-il important pour vous ?

Tout en étant « Grotesques », ces oeuvres sont aussi issues de la sculpture classique. Je les voulais formellement belles, dans un sens classique peut être un peu oublié. Je souhaitais que le spectateur soit attiré par ces sculptures comme un objet beau et désirable, puis qu’il éprouve de la répulsion pour leur sujet. Ainsi, le décalage entre la forme et le sujet créé un jeu de va et vient émotionnel. C’est cette attraction – répulsion que je recherchais. Je voulais aussi une exposition très classique, très « Victor Hugo » et « gothique », mais sur la condition contemporaine…


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