Vincent Lamouroux
A l’image du titre vertigineux de son exposition, Vincent Lamouroux proposera, pour sa première ex- position à la Galerie Vallois, une suite logique d’œuvres inédites. Above réunira trois projets d’enver- gure qui dialogueront subtilement entre eux dans leur rapport à l’immatériel, au mouvement et au vide.
Above, par définition territoire en suspens, s’ouvre sur une enseigne dont le slogan ni religieux ni mercantile est une invitation suggestive à considérer l’espace aérien comme un infini terrain d’occupations potentielles. Dans les grandes métropoles, et à New York plus particulièrement, les Air Rights sont les droits des propriétaires terriens à disposer d’une surface aérienne quantifiable au-dessus de leur bien. Manhattan ne pouvant plus se développer par le bas, c’est par le haut que les promoteurs immobiliers font leur fortune en achetant des parcelles constructibles stric- tement immatérielles. Cette démarche est ici pensée par l’artiste comme une remise en ques- tion de l’infinitude, d’un au-delà qui, s’il n’est pas aujourd’hui strictement délimité, est à l’origine de transactions monétaires considérables. La surface de vide peut être investie par l’acquéreur de quelque manière que ce soit. L’enseigne Air Rights and Above propose donc une invitation ultime à se projeter dans un espace qui déroge à la circonscription, et dont le leitmotiv (Air) s’al- lume et s’éteint sans répit pour attirer l’œil du spectateur, en le conviant à une envolée plus méta- phorique que corporelle, à la possibilité d’une attraction dont il ne connaît pas encore les règles. Jouxtant cette sculpture destinée à s’inscrire dans un paysage, sont présentés un ensemble de dessins inédits qui forment la matrice synoptique d’un film d’animation non réalisé, pour lequel Vin- cent Lamouroux s’est approprié le vocabulaire expressif de l’ensemble des attractions disponibles pendant la première moitié du XXème à Coney Island. Cet îlot féerique du bord de mer, à la fois lieu de distractions de la classe populaire et fertile terrain d’exploration de la modernité, est aujourd’hui en complète désuétude car en partie racheté par un promoteur immobilier en passe de procéder à son élévation. C’est à Coney Island qu’ont eu lieu, au départ à des fins strictement ludiques, un ensemble de découvertes significatives de l’élan de la révolution industrielle, allant de l’utilisation de l’électricité en nocturne à l’invention de l’ascenseur. Au-delà du patrimoine de carton pâte aux cou- leurs bigarrées, c’est un pan de l’histoire de l’Amérique et de sa propention au rêve qui va s’évanouir avec la destruction du site. Si comme l’écrit Rem Koolhaas dans son ouvrage New York Délire*, Coney Island est l’esquisse originelle du développement de Manhattan, ses monuments en lam- beaux deviennent ici le vocable d’une cité fantôme, vidée de son contenu et de ses habitués, dont seules les désignations subsistent pour en échafauder une architecture chaotique au ras de terre.
En dernier lieu, l’installation Attraction propose une expérience contemplative où s’imbriquent vide et pesanteur. Limité dans son déplacement par une rambarde circulaire inspirée du dispositif des panoramas, le spectateur est mis en présence d’une sculpture gonflable en suspension, dont le volume parfaitement transparent attire le regard. La courbe métallique ovoïdale dessine un péri- mètre qui contredit l’orthogonalité du lieu et offre la possibilité d’une contemplation du vide à 360°. Tandis que la structure se maintient dans un souffle entre l’élévation et la chute, elle tente d’occuper physiquement un espace laissé à nu. L’Air lumineux de l’enseigne Air Rights and Above devient ici la condition sine qua non au volume de la sculpture qui, dans sa légèreté imposante, donne corps au propos fédérateur de l’exposition Above en étendant le champ de vision à la hauteur.