Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Vue de l’exposition « Arrière-plan »
Galerie GP & N Vallois, Paris
03.10 – 08.11.2014
© Aurélien Mole
Alain Bublex
Paysage 186
2014
Epreuve chromogène laminée diasec sur aluminium
180 x 222 cm
© Aurélien Mole
Faire une exposition consisterait à mettre à l’épreuve une hypothèse qui ne pourrait être présentée – et soutenue – que par la mise en rapport effective des œuvres qu’elle sollicite. Une hypothèse ne saurait donc être une théorie constituée et dont il s’agirait d’opérer la vérification, moins encore un discours dont les œuvres exposées viendraient opportunément articuler les périodes. Une hypothèse est une idée prometteuse mais encore sans concept, l’intuition d’un rapprochement inédit et qu’on espère fructueux, ou bien un groupe d’œuvres qu’on aimerait réunir pour observer comment elles seraient modifiées par cette mise en regard.
Double hypothèse donc : quant à ce que serait (devrait être ?) une exposition et quant à ce qu’une exposition fait effectivement. Ne pouvant évoquer ici la première, nous nous intéresserons à la seconde, Alain Bublex proposant avec arrière-plan de mettre à l’épreuve une hypothèse au sens susdit. Soit, très brièvement formulée : « la fondation d’un espace politique et culturel ‘national’ s’accompagne le plus souvent d’un mouvement de représentation de ses paysages ». Autrement dit, au moment de se donner un avenir commun (et de s’inventer un passé partagé), un peuple éprouverait le besoin de représenter ce qui l’entoure et l’a précédé. Il ferait alors deux choses qui ne sont qu’apparemment contradictoires : donner à voir l’étrangeté irréductible de ces paysages tout en les reconnaissant comme siens. Un paysage (qu’il soit peint ou jardiné) n’est donc pas seulement une transformation par le regard de l’environnement naturel. Il est aussi l’affirmation de l’étrangeté de ce qu’il y a. Une des œuvres dont Alain Bublex a choisi d’exposer la reproduction en trompe-l’œil est un paysage d’Albert Bierstadt, peintre du grand Ouest et de la nature sauvage (ce que les Américains ont appelé le « wilderness »). Il n’est pas indifférent de rappeler que ce sont ses tableaux qui, en 1872, persuadèrent le Congrès américain de voter le Yellowstone Park Bill, donnant ainsi corps au premier parc national de l’Histoire.
Alain Bublex ne veut pas dire que l’espace pictural est aussi un espace politique – ce qui est un truisme, mais que la constitution d’un pays comme espace politique passe par la représentation qu’il se fait de ses paysages. Représentation qui change avec le temps : celui de l’Histoire et celui de l’art. Après Albert Bierstadt, ce sont les tableaux de Charles Scheeler et Morris Louis qu’arrière-plan met en scène, dessinant du wilderness à l’expressionisme abstrait une curieuse histoire de la peinture américaine. Qu’un tableau de Morris Louis figure aux côtés d’un paysage industriel du peintre moderniste que fut Scheeler dit toute la dimension intuitive de l’hypothèse. L’expressionisme abstrait, en tant qu’il fut le premier grand style que produisit la peinture américaine, fait au même titre que les Rocky mountains partie de son paysage culturel. Et un œil aguerri ne manquera pas de voir dans les superpositions de bandes de couleur – translucides à force de dilution – des « veils » de Morris Louis le lointain héritage des fonds spectraux des tableaux de Bierstadt, arbres et montagnes que l’ardent soleil qui s’élève sur ses paysages rend étrangement fantomatiques.
Demeure cependant la question de savoir comment s’opère la mise en œuvre de l’hypothèse, de quel « appareillage » (le mot est d’Alain Bublex) elle soutiendra son articulation : celui que rend visible l’exposition dont la construction a été stoppée – abandonnée ou ruinée – et qui renvoie de fait tous les objets qu’elle montre à la contingence de leur finition. N’en concluons pas que tout paysage est de ruine, seulement qu’il fixe et conséquemment finit par effacer l’étrangeté de ce qu’il y a. Appareiller – mot qu’il faudrait aussi entendre en son sens maritime – consiste à rendre sensible les activités que l’art suppose et souvent dissimule ; ce que disent aussi à leur manière les œuvres originales dont Alain Bublex a parsemé arrière-plan – photographies de paysage dans lesquelles une partie est reproduite au dessin vectoriel : une autoroute, le mont Fuji, etc., ajouts dont l’évidence (ils ne troublent en rien l’image) vient témoigner de l’artificialité familière de ce qui nous environne.
Alain Bublex n’aura jamais cessé de faire des paysages dans un pays qui n’en produit plus depuis la fin de l’ancien régime (sauf exceptions notables – le fantôme d’Albert Marquet traverse l’exposition). La France républicaine s’est construite sans se donner à voir. C’est sans doute pourquoi on a tant de mal aujourd’hui à la regarder sans nostalgie.