La banane est un élément récurent du vocabulaire de Gilles Barbier depuis le début des années 2000. Non seulement elle évoque l’humour, la chute, le gag mais la banane est aussi pour l’artiste un des éléments qui entre en action dans la notion de glisse (« La glisse est une activité et une pensée qui permet de survoler les contradictions et d’en lubrifier les écarts, de façon non pas à en faire des synthèses closes, mais d’en vivre les extrémités, les deux bouts, dans un espace indécomposable. » in Un Abézédaire dans le désordre, 2008, éditions du Regard). Ainsi, en 2003, une banane de cire à moitié mangée était négligemment « jetée » dans un coin de son exposition à la galerie, juste au-dessous d’un grand dessin intitulé L’Usine de vaseline onirique. Par la suite, les bananes se glissent dans ses sculptures (Paysage mental, Méga Maquette II, L’inconséquence des gestes, etc.) et dans ses dessins, jusqu’à s’attrouper dans deux grandes œuvres sur papier (Banana Riders et Banana Riders – The Way Back, 2006) préfigurant l’installation que nous présenterons dans le project room à partir du 21 avril. Banana Riders est une charge de bananes (plus d’une centaine) dont on ne sait si elle est grotesque ou
héroïque. A l’image d’un troupeau, les premiers fruits sont fringants, réunis en un groupe compact, et montés de cavaliers en redingotes et hauts-de-forme brandissant leurs oriflammes à la gloire des agents mouillants
(cocamide MEA, cetylpyridinium chloride)… En fin de cavalcade, les bananes pourrissent, noircissent, jusqu’à n’être plus que des peaux mortes et molles. Cette guirlande de trois mètres de long se déployant – flottante – dans l’espace à hauteur des yeux est une prouesse technique (chacune des bananes est un moulage en résine peint à la main) et visuelle : en effet, sous un certain angle, le ruban se mue en un cercle où les vieilles bananes rejoignent la tête de la troupe.