Mike Cooter

17.05.2013
Mike Cooter — Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois

Set Theory
17.05.2013 — 15.06.2013

En 2011, tu as participé à l’exposition collective « The Big Society » à la galerie. Dans quelles mesures cette expérience peut-elle être liée au Project Room « Set Theory », présenté actuellement ?

Lors de l’exposition The Big Society, j’avais présenté une œuvre intitulée Forensic Poster (2006/11), qui résultait d’une recherche que j’avais menée en collaboration avec des médecins légistes de l’Ecole de Police de Londres. Parallèlement, j’étais en lien avec des chefs décorateurs d’Hollywood qui avaient créé des espaces dans lesquels des évènements spécifiques (souvent traumatiques) s’étaient déroulés. Mon intérêt pour le décor du film La corde d’Alfred Hitchcock provient de ces conversations – notamment car ce décor est celui d’un crime commis pour des raisons intellectuelles. Je dirais également que le contexte de la galerie GP & N Vallois, située dans un quartier avec de nombreux marchands d’art ethnographique, est pour moi le lieu idéal pour explorer l’histoire, culturellement sensible, de ce marché.

Ton travail s’inspire souvent du cinéma et de la littérature. En quoi « La Corde » d’Hitchcock, filmé dans le décor d’un appartement à New-York, illustre particulièrement tes recherches ?

Je m’intéresse depuis longtemps au Film Noir et cherche particulièrement à comprendre comment le caractère allégorique du cinéma expressionniste européen des années 1920 et 1930 s’est exporté avec la vague d’immigration de réalisateurs et techniciens du cinéma vers les Etats-Unis dans les années 1930-1940, devenant ainsi l’Hyper-Réalisme américain. En visionnant un nombre important de films de cette époque, j’ai remarqué que la statuaire ethnographique (statuettes africaines, océaniennes et précolombiennes) était souvent utilisée comme référence pour caractériser le style de vie bourgeois des amateurs éclairés – La Corde est d’ailleurs un très bon exemple de cette tendance. J’ajouterais que la manière qu’avait Hitchcock de filmer en prises longues (avec des plans très larges et en mouvement) rendait la relation entre les acteurs et leur environnement sensiblement troublante – j’ai également lu que, pour donner l’effet d’une réalisation en une seule prise, la plupart des meubles étaient sur roues. Enfin, le film offre un très bon exemple (rare en couleur) de l’utilisation d’une enseigne lumineuse clignotante visant à déstabiliser notre lecture visuelle des objets et des personnages ; une technique que j’ai utilisée à plusieurs reprises dans mes travaux.

Ton installation comprend des œuvres originales et des objets de nature très diverses, à la fois dans le temps et géographiquement. Souhaites-tu établir un lien spécifique entre tous, leur donner un nouveau statut ?

Ce qui m’intéresse dans l’utilisation cinématographique de sculptures (et notamment d’objets ethnographiques dans le Film Noir), c’est la manière dont un film parvient à créer une connexion subliminale entre tous ces artefacts. Le film lui-même, sa narration, ses personnages, font partie d’un nouvel ensemble unifié, ce qui est le cas de La Corde. L’installation Set Theory est donc une tentative de mise en relation, d’identification et d’unification de ces objets.

Après l’exposition, la plupart des objets prêtés retourneront à leurs propriétaires (marchands ou collectionneurs privés), il ne restera plus que l’enseigne (« Technicolor Proof… ») et ta sculpture. Comment l’installation « Set Theory » peut-elle être transmise ou installée de nouveau ?

La lumière provenant de l’enseigne et la manière dont l’installation a été mise en place, en se basant sur l’unification d’objets aussi disparates qu’un coffre, des œuvres et objets d’art provenant de collections spécifiques mais aussi des socles d’exposition, constitue un système fédérateur qui fonctionne pour tout groupe d’objets et d’œuvres d’art (idée provenant de la théorie des ensembles contenue dans le titre Set Theory). Mon processus de sélection s’est basé sur la tentative de recréer une classification taxinomique d’une collection d’objets et d’œuvres d’art semblable à celle que l’on peut voir dans La Corde. C’est pourquoi un nouvel ensemble pourrait être réuni de nouveau en suivant la même règle, et ainsi une nouvelle version de l’installation serait créée. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence que beaucoup d’éléments constitutifs de celle-ci proviennent du voisinage de la galerie… J’ajouterais que je suis particulièrement satisfait de la sélection d’œuvres et objets composant cette installation à la galerie Vallois.

Quelle expérience spécifique as-tu retenu de cette recherche et de l’installation que tu as créée à Paris ?

Rencontrer les marchands et collectionneurs locaux a été pour moi une expérience fascinante, et beaucoup d’entre eux ont été très généreux avec leur temps et leur collection. Cela m’a donné un réel aperçu du marché – la re-contextualisation et le commerce d’artefacts culturels – pour lequel j’ai un grand intérêt. En reconsidérant la manière dont mon travail a évolué ces dernières années, selon différents axes de recherche, je suis très curieux de voir comment cette expérience, et la réalisation de cette installation, évolueront dans le futur.


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