Jacques Villeglé a très vite présagé que l’affiche déchirée transformait les murs des villes en un écran animé de signes, d’images, de couleurs renouvelé en permanence et dont le spectacle, toujours surprenant, pouvait devenir la matière d’une œuvre complète et généreuse. Le personnage du Lacéré anonyme lui permet alors de consolider sa position et d’affirmer que son activité personnelle doit se borner à sélectionner les affiches au gré de ses intentions ou des circonstances, à choisir leur format et décider de leur cadrage. « Jacques Villeglé présentera ses affiches d’après le Lacéré anonyme » : tels sont les mots figurant sur le carton imprimé de sa première exposition personnelle. Cette invention du Lacéré anonyme n’est pas la négation de l’auteur ; elle est au contraire l’invention d’un auteur qui nourrit l’ambition de réaliser une œuvre digne de la « Comédie humaine », – à savoir une « comédie urbaine » grouillant de caractères de toutes sortes. Le « Catalogue Raisonné » de l’artiste, qui atteint plusieurs milliers d’œuvres toutes dissemblables, forme aujourd’hui un corpus qui le place parmi les peintres les plus imaginatifs de l’histoire récente.* En présentant aujourd’hui la série des « Petits Formats », c’est cette pluralité que nous souhaitons mettre à l’honneur, découvrant plus de cinq décennies de création au travers d’une sélection de petits chefs d’œuvres n’excédant pas vingt centimètres de côté…. Un « mini » clin d’oeil à la magnifique rétrospective de l’artiste qui vient de se terminer au Centre Pompidou.
*librement inspiré d’après Catherine Francblin, « Le bon génie de Jacques Villeglé » in Jacques Villeglé. La Comédie urbaine, ed. Centre Pompidou (2008)