Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
Vue de l’exposition « There is no moon without a rocket »
Galerie GP & N Vallois, Paris
28.05 — 31.07.2010
© D.R.
L’exposition « There is no Moon without a Rocket » est une fenêtre ouverte sur la pluralité. Chaque oeuvre, absolument inédite, découle d’une « possibilité de monde » imaginée par Gilles Barbier (le Monde en forme de Tong, le Monde Motte de terre, le Monde comme une Maison sur un arbre, le Monde en forme d’Histoires tissées, le Monde « Peanut »…).
Comme pour les grands mythes fondateurs (judéo-chrétien, Big-Bang, monde quantique, légendes indiennes…), chacune des histoires inventées par l’artiste donne une forme et une cohérence à un monde potentiel. Toutes ont été construites selon une procédure logique.
1- Un postulat, toujours arbitraire, indéfendable, et totalement subjectif (ex : la terre est plate / le monde a été créé en sept jours / le monde a une forme de tong).
Ce postulat donne sa forme au monde.
2- Une batterie d’axiomes, de théorèmes ou d’apparentes évidences permettent à leur tour de donner une articulation, un squelette, un « organigramme » au monde. Outils logiques quand le monde a décidé d’être logique (par deux points ne peut passer qu’une droite), ils deviennent tout aussi bien théologiques, magiques, insensés, délirants ou névrotiques comme c’est souvent le cas (ex : la femme est née de la côte d’Adam, la lune est la soeur du soleil, le Grand Créateur s’est fait manger la jambe par le Grand Requin).
3- Une fois le monde créé, il faut vérifier son « bon fonctionnement », s’assurer la cohérence interne de l’ensemble de la construction. S’il y a un « trou », une chose inexpliquée et inexplicable, il faut inventer un nouvel axiome pour permettre de le combler ; c’est ainsi qu’est constituée par exemple toute la Géométrie.
Dans la pratique, lorsque le nombre de « trous » ou de « bogues » atteint une taille critique, il faut remettre en cause le mythe créateur et créer un nouveau système… Et cela n’est pas sans danger ; Galilée quand il déclare que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, Darwin lorsqu’il affirme que l’homme descend du singe et non d’Adam, Einstein lorsqu’il invente la théorie de la Relativité ou les premiers artistes de l’abstraction ou du monochrome… Tous peuvent en témoigner !
Toutefois, grâce à la science-fiction et à l’avènement des mondes virtuels, à la théorie de l’information, aux techniques de modélisation ou encore aux travaux philosophiques sur la pluralité des mondes, nous avons désormais les outils conceptuels et théoriques, mais surtout l’aise de faire de la forme du monde un espace poétique et parfaitement libre, indifférent à toute vérité définitive.
Profitant de ces outils, Gilles Barbier (d)écrit dans cette exposition une série de mondes construits autour de ses motifs d’élection : des trous, des soupes, du langage, des trames, des clones, des socles instables… Chacun de ses mondes – et aucun n’échappe au sourire grinçant adressé à l’ «Univers de l’Artiste » – trouve sa place en tant que bulle au sein d’une structure générique : la Mousse. Rendus ainsi à leur fragilité, à leur caractère éphémère mais aussi expansif, les mondes qu’il nous fait découvrir au travers de grands dessins et sculptures n’en constituent pas moins un statement de sa propre pratique. Une série d’articulations à l’intérieur de son oeuvre proliférante et un clin d’oeil à ce qu’il nomme ses « machines de production ». Une façon nouvelle et réjouissante de « faire le point » avant la nouvelle étape que l’artiste compte faire passer au corps tentaculaire de son oeuvre…*
Ce texte a été très largement inspiré par une lettre écrite par l’artiste à Boris Achour et parue dans le n°5 de la revue « trouble » en 2005.
Il dormait dans l’immensité, flottant avec les noix de coco célestes dans l’océan infini. Lorsqu’il s’éveilla, il vit l’espace dans toutes les directions qui s’étirait et le temps devant lui qui coulait comme une rivière. Alors il décida de suivre son cours, de cheminer sur son ourlet. Mais ses pieds sont encore les pieds d’un enfant qui vient de naître, des pieds dont la plante fragile et fine n’est pas faite pour la marche. Et il taille sans attendre deux semelles dans l’infinie profondeur de l’immensité ; l’une est ajustée à son pied droit, l’autre à son pied gauche. Les ayant chaussées, il tire de sa chevelure qui est faite d’arcs-en-ciel quatre brins dont il fait des lanières qui maintiennent solidement les semelles à ses pieds. Aussitôt, il reprend sa marche dans le temps et chacun de ses pas sonne « Tong ! Tong ! Tong ! Tong ! Tong ! Tong !…» Le Grand Requin qui hante les profondeurs de l’abîme – là où tout se termine – perçoit les « Tong ! Tong ! » de celui qui marche le long du temps et dont les semelles, taillées dans les profondeurs de l’abîme, heurtent le socle. Le Grand Requin est furieux car le fond est son domaine et il ne veut pas qu’y résonne le rythme de la marche de celui qui parcoure le temps. Alors, remontant du bas des choses, il survient. D’un coup sec de ses puissantes mâchoires, il sectionne la jambe gauche de celui qui suit la rivière temps. Il avale ce qui est d’os et de viande mais recrache ce qui fait « Tong ! ». Et dans ce qui fait « Tong ! » une de ses dents tranchantes est restée plantée. Le marcheur, sautillant sur sa jambe droite, voit son sang se répandre et goutter sur la Tong et chaque goutte donner naissance à une créature vivante. Immédiatement les poissons et les dauphins s’enfoncent dans l’océan de la semelle, mais les autres créatures, les oiseaux, les animaux et les hommes disent vouloir rester à la surface. Ils disent que l’océan est froid et qu’ils préfèrent marcher, ou voler. Mais celui qui claudique le long du temps n’entend pas leurs suppliques car sa plaie le fait souffrir et pour apaiser la douleur il saisit une noix de coco céleste et avec son eau lave le moignon. Puis il brise la noix pour récupérer la pulpe qu’il presse entre ses mains pour en extraire un lait dont il enduit la plaie qui aussitôt cicatrise. Pendant ce temps, les créatures qui ne voulaient pas rester dans l’océan se sont hissées sur les morceaux de noix brisée que l’unijambiste céleste avait négligemment jetés. Ainsi naquirent les îles de l’archipel. Mais les créatures ont froid, et le disent. Alors, magnanime, l’estropié du temps se hisse sur son unique jambe pour saisir une seconde noix de coco céleste qu’il embrase de son regard. Puis il dépose la boule brûlante sur un surf d’or à qui il ordonne de passer chaque jour dans le ciel afin que les créatures soient inondées de chaleur et de lumière. Ainsi naquit le soleil. Mais les créatures ont soif. Alors, le noble boiteux décroche une troisième noix de coco céleste qu’il place sur un surf de glace et lui ordonne de passer dans le ciel afin d’y déverser son eau. Ainsi naquirent la lune, les nuages et la pluie. Mais les créatures ont faim alors celui qui n’a plus qu’une jambe se fâche et dit : « Allez-vous me faire décrocher toutes les noix de coco célestes pour combler chacun de vos désirs ? » Les créatures baissèrent la tête. « C’est vous désormais, vous qui avez tous vos membres qui irez les chercher et il vous faudra vous hisser difficilement vers le ciel pour en décrocher les fruits ». Disant cela, il fit des troncs et plaça les noix et les baies à leur sommet. Ainsi naquirent les arbres. Alors celui qui suit le cours du temps en sautant sur sa jambe droite va pour reprendre sa route et il est heureux d’avoir pu créer un monde avec sa tong, mais sa jambe gauche lui manque et sa progression n’est pas facile. Il maudit le Grand Requin et il lui vient une idée pour se venger. Notant qu’une des dents acérées est restée coincée dans la Tong, il appelle la terrible bête pour lui proposer un marché et lui dit : « Entre dans la Tong et reprends ta dent car tu es maudit. Celle-ci souille ma création, récupère-là, vas-t’en et nous serons quittes ». Le Grand Requin entre dans la Tong, mais l’unijambiste céleste l’enferme aussitôt et pour toujours dans les profondeurs froides et sombres de la semelle. Alors, furieux d’avoir été ainsi piégé, le Grand Requin prisonnier réveille sa dent restée à la surface du monde et lui fait cracher du feu et de la cendre pour crier sa colère. Ainsi naquit le volcan. Puis il envoya ses fils vers la surface pour y promener sa haine et terroriser les hommes. Ainsi naquirent les requins. Contemplant son oeuvre, qu’il trouve maintenant plus équilibrée, le créateur se dit qu’il doit aussi enfermer les cauchemars des hommes dans le fond des abysses. Ceux-ci les sillonnent sous la forme de monstres terrifiants dont se nourrit le Grand Requin. Enfin seulement le créateur unijambiste du monde en forme de Tong peut reprendre son chemin dans le cours du temps. On dit que pour se déplacer il saute sur sa jambe droite qui, à l’usage, est devenue d’une puissance étonnante. Mais à chaque fois qu’il chute, la terre gronde et tremble. Parfois aussi la mer se soulève en tsunami. (Gilles Barbier, Le Monde en forme de Tong)